La gratification des stages étendue à l’administration publique – Mise à mal des parcours de formation
Depuis quelques années, la formation post-baccalauréat des travailleurs sociaux évolue, se transforme… La VAE en 2002, les réformes des diplômes d’État depuis 2004, la mise en crédits européens des formations sociales de niveau III en 2011… Les établissements de formation en travail social s’impliquent, modifient et ajustent leur dispositifs de formation.
Le 23 juillet 2013, a été votée la loi Fioraso relative à l’enseignement supérieur et à la recherche qui, notamment, étend l’obligation de la gratification à l’administration publique. [[Journal officiel 23 juillet 2013 – LOI no 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche
TITRE III – LES FORMATIONS DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Article 27
L’article L. 612-11 du même code est ainsi modifié :
1o A la première phrase, après le mot : « entreprise », sont insérés les mots : « , administration publique, assemblée parlementaire, assemblée consultative, association ou au sein de tout autre organisme d’accueil »]]
On peut s’en réjouir. L’extension de la gratification à l’administration publique représente une amélioration pour la situation financière, de plus en plus préoccupante, des étudiants du secteur social.
D’autre part la gratification peut contribuer à diminuer la désaffection pour les métiers du social alors que le secteur recrute.
Le modèle des formations sociales
La réforme des diplômes d’État s’inscrit dans la loi-cadre de 1998 de lutte contre les exclusions. En rénovant les formations sociales, il s’agissait alors de renforcer la professionnalisation des travailleurs sociaux, afin qu’ils soient en capacité de mener à bien les nouvelles orientations et politiques sociales.
Pour mémoire c’est en septembre 2004 qu’est mise en place la réforme du diplôme d’État d’assistant de service social – DEASS – La formation est structurée en termes de compétences à acquérir, avec le maintien de l’alternance entreprise / centre de formation. Le lieu de stage devient site qualifiant ; le terrain, le référent professionnel contribuent pleinement à la formation. La qualité des formations sociales est en grande part due aux liens fondamentaux avec le monde professionnel.
Mais côté pragmatique…
Chaque établissement de formation en travail social, en fonction de son projet pédagogique, est l’organisateur de son calendrier sur les trois années de formation. Les étudiants prennent longtemps à l’avance, un premier rendez-vous avec la structure où s’élaborent conjointement les modalités de stage. L’étudiant fait valider son lieu de stage par son formateur référent. La convention tripartite peut alors être signée.
Si globalement les employeurs sont partie prenante, pour l’étudiant, trouver un lieu de stage n’est pas aisé. Depuis quelques années, le manque de place pour ajouter une table dans un bureau, l’absence de moyens financiers dédiés à la gratification, la difficulté de mobiliser un professionnel de l’équipe maîtrisant les réformes des diplômes ou de trouver le temps d’accompagner quotidiennement l’étudiant … ont contribué à parfois transformer la recherche de stage en parcours du combattant.
Pour mesurer les incidences de la gratification des stages étendue à l’administration publique, c’est à la formation assistant de service social que l’on pense. L’année dernière, 2/3 des étudiants de l’IRTS étaient accueillis par les Conseils généraux, municipalités, établissements scolaires… Depuis la rentrée, les établissements contactent l’IRTS pour annuler les conventions signées après le 23 juillet 2013, les conventions à la signature ou les engagements. Mais ce sont aussi les formations éducateur de jeunes enfants – 60% accueillis par le secteur public – éducateur spécialisé et conseiller en économie sociale familiale qui sont impactées.
Les mobilisations
Jeudi 17 octobre 2013, les étudiants de plusieurs établissements de formation du social se sont mobilisés pour demander que des moyens financiers soient débloqués pour que chaque étudiant puisse trouver un stage. Une manifestation devant le Conseil régional d’Ile-de-France et le ministère des affaires sociales et de la santé.
Une nouvelle mobilisation pour les stages gratifiés est prévue le jeudi 24 octobre 2013 à 14 heures devant le ministère des affaires sociales et de la santé.
Alexandre Ouka, étudiant éducateur spécialisé à l’IRTS a réalisé une vidéo du jeudi 17 octobre 2013. De la préparation du matin… au sitting de fin d’après-midi.
L’UNAFORIS a décidé de se mobiliser sur les territoires, en lien avec les parties prenantes et tout particulièrement les étudiants en vue de faire émerger des propositions d’action adaptées aux enjeux fondamentaux soulevés par cette extension de la gratification.
Ces propositions seront développées et débattues à l’occasion d’une table ronde nationale le 18 décembre 2013.
Les principes de la gratification
Le décret du 31 janvier 2008 précisait que pour les stages de plus de 3 mois, la notion d’entreprise concernait aussi les associations.
En 2011, nouvelle modalité : lorsque la durée de stage au sein d’une même entreprise est supérieure à 2 mois consécutifs ou, au cours d’une même année scolaire ou universitaire, à 2 mois consécutifs ou non, le ou les stages font l’objet d’une gratification versée mensuellement. [[« Art. L. 612-11. – Lorsque la durée de stage au sein d’une même entreprise est supérieure à deux mois consécutifs ou, au cours d’une même année scolaire ou universitaire, à deux mois consécutifs ou non, le ou les stages font l’objet d’une gratification versée mensuellement dont le montant est fixé par convention de branche ou par accord professionnel étendu ou, à défaut, par décret. Cette gratification n’a pas le caractère d’un salaire au sens de l’article L. 3221-3 du code du travail.]]
Deux mois de stage correspondent à 151,66h x 2, soit 303h. Si la présence dans le lieu de stage est de moins de 303h, le stage n’est pas soumis à gratification.
Comme le montant de la gratification est calculé en fonction du nombre d’heures effectives de stage, il est nécessaire, pour calculer la durée du stage, de prendre en compte le nombre d’heures de présence effective sur le lieu de stage.
L’indemnité obligatoire versée au stagiaire ne peut pas être inférieure à 12,5 % du plafond horaire de la Sécurité sociale. Ce qui correspond à 2,875 € par heure de stage, soit 436,05 € pour un temps complet correspondant à 35 heures hebdomadaires.
Pour certaines branches professionnelles, le montant de l’indemnité est spécifié par la convention collective.
Juillet 2013 c’est l’obligation de la gratification qui est étendue à l’administration publique.
NB. Sont exclus de l’obligation légale de gratification, les étudiants en situation d’emploi ou bénéficiaires des allocations pôle emploi – ASSEDIC.
Communiqué de presse UNAFORIS
Acte IV de l’encadrement juridique des stages
Les formations sociales existeront elles encore demain ?
La gratification des stages : des dispositions critiques pour les formations sociales
La loi du 22 juillet 2013, relative à l’enseignement supérieur et à la recherche étend la gratification des stages de plus de 2 mois à l’ensemble des structures d’accueil de stagiaires en formations sociales.
Nous tenons à réaffirmer que les formations professionnelles supérieures en travail social préparent à des métiers dont l’importance est essentielle pour contenir les effets de la transformation et la complexité croissante des problèmes sociaux.
Établissements de formation en travail social adhérents d’UNAFORIS, nous avons procédé à tous les réajustements possibles dans le respect de la loi pour compenser les effets induits par le juste principe de la gratification des étudiants, introduit en 2008.
Or aujourd’hui, nous ne sommes plus en capacité d’assurer la qualité des cursus de formation des étudiants ni de remplir nos missions de formation en raison de :
L’appauvrissement quantitatif et qualitatif des lieux de stage
La disparition de certains types et lieux de stage
La remise en cause des projets personnels de formation des étudiants.
Nous assistons désormais à la mise à mal des parcours de formation des étudiants voire à des ruptures qui compromettent l’obtention des diplômes d’État.
Au même moment, la précarité des étudiants et l’inégalité de traitement de leurs situations n’a jamais été aussi forte.
Cette précarité croissante conduit à une augmentation des ruptures de formation pour des motifs sociaux.
L’accès aux droits sociaux est inégal selon les territoires (montant des bourses, accès aux services du CROUS, prise en charge pôle emploi…).
Et ce, alors qu’il leur est impossible de trouver des emplois en parallèle compte tenu de la durée des formations en travail social (35h hebdomadaire en stage ou en centre de formation).
Les écoles de formation en travail social sont désormais confrontées à une situation paradoxale inextricable puisque nous sommes à la fois favorables à la gratification pour les étudiants mais également garants de leurs parcours de formation.
Fort de ces constats, l’assemblée générale de l’UNAFORIS a demandé au gouvernement en juin 2013, d’organiser en urgence une table ronde nationale avec les ministères concernés et les autres partenaires investis dans les formations sociales pour sortir de cette situation de crise. Cet appel est resté sans réponse à ce jour.
L’UNAFORIS a donc décidé de se mobiliser sur les territoires, en lien avec les parties prenantes et tout particulièrement les étudiants, premiers intéressés par la question en vue de faire émerger des propositions d’action sans exclusive, porteuses d’avenir pour les formations sociales et adaptées aux enjeux fondamentaux soulevés par cette extension de la gratification.
Ces propositions seront développées et débattues à l’occasion d’une table ronde nationale que nous organiserons le 18 décembre 2013.
Photos – Marie Christine Girod – mobilisation étudiante du 17 octobre 2013