Fête de la pensée 2014. Une journée avec…

Le mardi 24 juin 2014 de 9h à 17h, ce sera la 3e édition qui a pour intitulé Mais que font les travailleurs sociaux ?
La question n’est pas nouvelle. Bien que chercheurs et professionnels se soient appliqués depuis des années à produire des représentations sur leurs pratiques qu’ils tendent à formaliser en savoirs, une part d’opacité et d’indicible reste prégnante. Cet état de fait est à mettre en vis à vis de la complexité du monde social contemporain.
Sans prétendre à la transparence, il est vital cependant de mesurer les enjeux de cette production de représentations. Traiter des problèmes sociaux impose de les appréhender et de les comprendre au-delà de l’urgence, du paraître et du spectaculaire. Cette préoccupation est au centre de la mission de formation des travailleurs sociaux à l’IRTS.
Le travail social se trouve au cœur des interrogations que connaît notre société, en proie à la crise et à la crispation, avec un sentiment grandissant de la difficulté de vivre. Pour comprendre ces réalités, sociales, humaines et individuelles, dans un monde désorienté et incertain, il reste à construire des représentations les plus justes de ces réalités.
Celles-ci peuvent devenir perceptibles à travers le récit de rencontres où sont convoqués non seulement conscience et raison mais aussi cœur et intelligence.
Ces alliances sont au fondement même du travail social, mais les travailleurs sociaux ne sont pas les seuls à en user. D’autres approches y tendent : journalistes, cinéastes, écrivains et d’autres encore produisent des représentations sensibles de réalités qu’ils rendent perceptibles.
Ainsi, il apparaît intéressant d’organiser une journée de rencontres avec de multiples intervenants les incarnant.
Programme
9h – Accueil
Une journée avec…
9h – Invitée : Florence Aubenas, journaliste, grand reporter à Libération, au Nouvel observateur, puis en 2012 au journal Le Monde où elle couvre notamment le conflit Syrien.
Présidente de l’Observatoire international des prisons – OIP – de 2009 à 2012, ancien otage en Irak – plus de 5 mois en 2005 – et membre de comités de soutien aux otages français Didier François et Édouard Élias, retenus en Syrie du 6 juin 2013 au 19 avril 2014.
Excusée, Florence Aubenasen étant alors en reportage à l’étranger.
Ouverture – Brigitte Derelle, directrice du site de Neuilly-sur-Marne
Animation – Jacques Riffault, directeur des études ; Sylvie Jospin-Combe, formatrice ; Estelle Lozano, formatrice & Ludovic Aelbrecht, formateur.
Déjeuner avec les étudiants, organisé par l’IRTS
14h – Ludovic Tac et Corinne Bondu, réalisateurs du Web-documentaire Vous avez dit social ?
Ils ont la conviction qu’il est nécessaire de donner au grand public une représentation la plus juste du social à partir de l’expérience de tous ceux qui travaillent “la question sociale” dans notre société
Le web documentaire donne à voir ce qu’est le travail social à travers des films où témoignent des personnes du “monde ordinaire”, des sociologues comme Michel Chauvière, Michel Wieviorka, des philosophes comme Patick Viveret et Jacques Riffault, des humoristes comme Franck Lepage…
– présentation du projet Vous avez dit social ?, de la maquette en ligne, de son fonctionnement et de la navigation
– projection d’une sélection de films, donnant la parole aux usagers
– échanges avec les étudiants
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Les textes de Florence Aubenas
La méprise. L’affaire d’Outreau. [[La méprise. L’affaire d’Outreau, Florence Aubenas, Éditions du Seuil, HC Essais, 2005.]]
Le procès de l’affaire Outreau – 17 personnes accusées de faire partie d’un réseau de pédophilie – s’est tenu de mai à juillet 2004, à Saint-Omer – Pas-de-Calais.
Outreau a ce pouvoir des histoires simples et qui font peur : chacun s’y retrouve et chacun s’y perd.
Ce livre était presque achevé lorsqu’il m’est arrivé, à moi aussi, une histoire. Je suis partie en Irak le 15 décembre 2004. Je devais y rester un mois et terminer la rédaction à mon retour, pour le procès en appel prévu en mai 2005 aux assises de Paris.
J’ai été enlevée le 5 janvier à l’université de Bagdad. En captivité, là-bas, je ne pensais pas que je finirais le livre. Non pas qu’il ne m’intéressait plus, mais j’étais persuadée que je ne serais jamais rentrée en France au moment où les Assises auraient lieu. Après, le rideau retomberait sur Outreau, plus personne ne voudrait en entendre parler.
Je suis rentrée le 12 juin 2005. Les Assises avaient été reportées, le manuscrit interrompu était dans mon ordinateur et moi, j’avais réussi ce que je voulais : j’avais tout oublié d’Outreau.
J’ai été surprise en relisant ce que j’avais écrit. Comment un accusé avoue ce qu’il n’a pas commis ou pourquoi un magistrat acte des déclarations si farfelues qu’elles feraient rire les enfants, ces choses qui me semblaient compréhensibles mais obscures, ces ténèbres-là m’étaient devenues étrangement familières.
J’ai recommencé le livre.
Le Quai de Ouistreham. [[Le Quai de Ouistreham, Florence Aubenas, Éditions de l’Olivier, 2010. Prix 2010 Jean Amila-Meckert au Salon du livre d’expression populaire et de critique sociale d’Arras ; prix 2010 Joseph-Kessel ; prix meilleur roman/essai Globe de cristal 2011]]
La crise. On ne parlait que de ça, mais sans savoir réellement qu’en dire, ni comment en prendre la mesure. Tout donnait l’impression d’un monde en train de s’écrouler. Et pourtant, autour de nous, les choses semblaient toujours à leur place. J’ai décidé de partir dans une ville française où je n’ai aucune attache, pour chercher anonymement du travail… J’ai loué une chambre meublée.
Je ne suis revenue chez moi que deux fois, en coup de vent : j’avais trop à faire là-bas. J’ai conservé mon identité, mon nom, mes papiers, et je me suis inscrite au chômage avec un baccalauréat pour seul bagage. Je suis devenue blonde. Je n’ai plus quitté mes lunettes. Je n’ai touché aucune allocation. Il était convenu que je m’arrêterais le jour où ma recherche aboutirait, c’est-à-dire celui où je décrocherais un CDI. Ce livre raconte ma quête, qui a duré presque six mois, de février à juillet 2009.
J’ai gardé ma chambre meublée. J’y suis retournée en hiver écrire ce livre.
L’air du temps – Chroniques de Florence Aubenas – Le Monde
La vie des “autres” à “FrancePo” – 29 et 30 septembre 2013
La rentrée en 2e année à Sciences Po pour Inès, Yasmina et Sara. Elles y sont rentrées par le programme de discrimination positive en ZEP.
Premiers jours de trafic – 13 et 14 octobre 2013
Un morceau de la matinée de la première semaine d’un jeune de 15 ans qui commence le trafic dans une cité.
Qu’est-ce que je viens foutre là-dedans ? – 10 et 11 novembre 2013
23 septembre 2010, cinq amis, tous à la CGT, taguent à l’aube sur le trajet prévu pour le cortège de Nicolas Sarkozy nouvellement arrivé à l’Élysée. Arrestation et suites judiciaires jusqu’en 2013.
Aux cèpes comme à la guerre – 18 novembre 2013
La cueillette des champignons en Ardèche. Pas seulement un plaisir bucolique et suranné…
Ismael et Ali, les gars du Merveilleux – 24 et 25 novembre 2013
Ils bénéficient tous les deux d’un contrat d’avenir a l’Office HLM de Seine-Saint-Denis et sont agents de médiation. L’immeuble le Merveilleux est à l’ordre du jour.
Séparer le Bongrain de l’ivraie – 22 et 23 décembre 2013
La coopérative laitière de Bougon dans les Deux-Sèvres – regroupement d’éleveurs – fabrique essentiellement du fromage de chèvre. Elle passe en octobre 2012 sous le contrôle de la multinationale Bongrain. La suite, versant mondialisation.
Si j’étais Gérard Depardieu – 23 et 27 janvier 2014
Breteuil, un bourg près d’Amiens, les petits commerces protestent en installant un cercueil dans leur vitrine…
Dans la Thiérache, la fierté des mères ados – 16 et 17 février 2014
Thiérache, près de la frontière belge. Elles sont jeunes et ont été mères alors qu’elles étaient au collège. Elles sont deux fois plus nombreuses que sur l’ensemble du territoire français.
Travail préparatoire des étudiants
A partir de textes sélectionnés dans 2 ouvrages de Florence Aubenas qui peuvent “parler” à des travailleurs sociaux et de 3 chroniques dominicales du Monde – choisis par les formateurs – les étudiants sont invités à la lecture de ces textes – de préférence en entier ou avec régularité pour les chroniques – et à répondre par écrit aux questions… Que retenez-vous de cet écrit ? Quel rapport existe-t-il entre cet écrit et le métier auquel vous vous destinez ? Quelles questions souhaiteriez-vous poser à l’auteur ? Quel rapport existe-t-il entre ces textes et le métier auquel vous vous destinez ?
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Les textes des étudiants – Extraits
Les Chroniques
Il y a plusieurs points communs entre ces textes. Tout d’abord dans le fond, car ces chroniques semblent toutes dénoncer quelque chose, chacune illustrant un phénomène de société, un fait social.
Puis, dans la forme, car étant écrits par la même personne, un style s’en détache : Florence Aubenas semble raconter des histoires dans ses chroniques, remplies de détails et donnant envie au lecteur d’en connaître la suite.
Les situations traitées dans ces textes sont d’actualité et sont récurrentes. Elles dénoncent la réalité d’aujourd’hui en mettant en avant les difficultés éprouvées par les individus sous différentes formes, que ce soit la pauvreté, le relogement ou bien encore les difficultés familiales. […]
Ces textes traitent de faits sociaux. En tant que future assistante de service social, je me dois de me tenir au courant de ce qui se passe dans la société. Je serai amenée à orienter et accompagner des usagers qui seront confrontés à des difficultés pouvant être similaires à ces textes […]
Florence Aubenas montre la réalité d’aujourd’hui et c’est dans cette réalité que je serai amenée à orienter et accompagner les usagers.
Charlotte Renouard, étudiante assistant de service social – 1re année
Lors de la lecture de trois chroniques du journal Le monde, j’ai remarqué que chacune traite d’histoires différentes mais toutes se réunissent sur un même point. […] La discrimination semble être leur point commun. Chaque personne évoquée dans ces situations a des a priori, des préjugés qui influencent leurs comportements.
Ces situations m’ont fait réfléchir sur les conséquences de la discrimination et des préjugés. […]
Lorsqu’une personne est soumise à des préjugés la relation qu’elle aura avec les autres sera altérée et ses possibilités seront amoindries. Dans le monde du travail les préjugés amènent l’individu à ne pas pouvoir accéder à un emploi simplement en raison de ses origines, de son lieux d’habitation ou autres. […]
Le lien existant entre ses textes et mon futur métier, c’est le social. En effet, ces trois textes abordent les relations que peuvent avoir les individus les uns envers les autres.
[…] En tant que futur travailleur du social […] je pense que les préjugés sont néfastes car le manque d’objectivité peut fausser le lien de confiance et peut rendre difficile le soutien et l’accompagnement.
[…] Il est important pour moi de comprendre les familles, afin de collaborer dans l’éducation du jeune enfant, en partant de choses objectives et non uniquement de mes ressentis et impressions.
Laurie Le Saux, étudiante éducateur de jeunes enfants – 1re année
Lors de la lecture de ces trois chroniques, nous pouvons remarquer certains points communs. En effet, la notion de territorialité est omniprésente dans chacun de ces documents. Il y a une logique de survie liée à leur territoire. Chaque habitants de ces villes, cités cherche à préserver leur territoire afin d’éviter l’exclusion. […]
Pour les petites bourgades, la territorialité est importante, la venue “d’intrus” peut être vécue comme une menace. Je me demande donc si dans les grandes villes, nous observons les mêmes phénomènes ?
J’ai également remarqué qu’avec ces textes, les individus ne regardent pas autour d’eux. En effet, les habitants de ces villes sont centrés sur leur quotidien et leurs traditions. Ils ne s’ouvrent pas au monde. […]
Nous serons peut-être amenés à travailler avec des individus qui ont un lien très fort avec leur territoire, leur petite ville, nous devrons trouver les mots afin d’avancer sur leur situation.
Laura Lahaeye, étudiante éducateur spécialisé – 1re année
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En savoir plus, à découvrir
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Film
Présumé coupable
Pour la justice, il n’y avait pas d’innocents
Un film remarquable de Vincent Garenq, fiction à partir du livre d’Alain Marécaux, 1h41, 2011.
Une façon de percevoir l’affaire d’Outreau de l’intérieur, beaucoup émotions portées “à bras-le-corps” par l’impressionnant acteur Philippe Torreton…
Alain Marécaux, dit du film qu’il s’agit pour lui de se battre pour réintégrer une société qui m’a exclu.
Le film raconte le calvaire de 4 ans d’Alain Marécaux – l’huissier de l’affaire d’Outreau – arrêté en 2001 ainsi que sa femme et 12 autres personnes pour d’horribles actes de pédophilies qu’ils n’ont jamais commis.
C’est l’histoire de la descente en enfer d’un homme innocent face à un système judiciaire incroyablement injuste et inhumain, l’histoire de sa vie et de celle de ses proches broyée par une des plus importantes erreurs judiciaires de notre époque.
Avec : Philippe Torreton, Wladimir Yordanoff, Noémie Lvovsky, Raphaël Ferret, Michelle Goddet, Farida Ouchani, Olivier Claverie, Kevin Tholliez, Loris Rouah, Charlotte Ghristi, Jean-Pierre Bagot, Sarah Lecarpentier, Vincent Nemeth, Juliette Navis.
Distinctions : Valois du public, Valois du meilleur acteur – Festival du film francophone d’Angoulême 2011 ; Prix du meilleur réalisateur – Festival international du film de Bratislava 2011 ; Label Europa du meilleur film européen – Venice Days – Festival de Venise 2011 et sélectionné au
Festival international du film de Toronto 2011.
En complément dans le coffret DVD :
. Un documentaire – De l’ombre à la lumière – David Dessites – 52′.
Juste quelques moments intéressants, les rencontres d’Alain Marécaux avec l’acteur Philippe Torreton ou le prêtre ouvrier, la co-construction du film, le témoignage de l’avocat.
. Plus intéressant en coulisse I – 3′ ; En coulisse II – 3′ et les 5 scènes coupées commentées.
Disponible au centre de ressources documentaires de l’IRTS.
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Article Lien social
Un voyage au cœur du social. Frédérique Arbouet.
Article Lien social – Un voyage au cœur du socialPartant du constat que le social est en manque de représentation médiatique, les réalisateurs Corinne Bondu et Ludovic Tac enquêtent sur cette invisibilité et interrogent ce manque d’images positives, au travers du webdocumentaire Vous avez dit social ? en cours de production.
Lien social – N°1142 – du 29 mai au 11 juin 2014
Contact
Ludovic Aelbrecht, formateur
+33 (0)1 49 44 67 12
ludovic.aelbrecht@irts-montrouge-neuillysurmarne.eu
Sylvie Jospin Combe, formatrice
+33 (0)1 49 44 11 36
sylvie.jospin-combe@irts-montrouge-neuillysurmarne.eu
Organisation
Ludovic Aelbrecht, formateur
Sylvie Jospin Combe, formatrice
Jacques Riffault, directeur des études
Photos – ©Anne Bernard IRTS – 2014
Visuels – ©Marie Christine Girod IRTS – 2014