Journée d’études du GRIF à l’IRTS – 27 novembre 2012
L’impact des réformes des formations du secteur social sur la socialisation professionnelle des futurs travailleurs sociaux et sur leur employabilité.
Cette journée d’études organisée par le Groupement de recherche d’Ile-de-France a pour objectif d’approfondir les constats et les questionnements présentés dans l’argumentaire, en associant l’ensemble des acteurs de la formation à cette réflexion – formateurs permanents et vacataires, professionnels formateurs des sites qualifiants, employeurs et représentants des employeurs, OPCA, CPC, DRJSCS, CRIF…- et en créant une dynamique de co-construction d’un programme de recherche, qui sera conduit par le GRIF.
Argumentaire
A la suite de la loi du 4 mai 2004 sur la formation professionnelle tout au long de la vie, et de la mise en place d’un dispositif de Validation des Acquis de l’Expérience (loi du 17 janvier 2002), l’ensemble des diplômes du travail social a fait l’objet de réformes structurant les formations à partir de référentiels : d’activité et de compétences (réunis au sein d’un référentiel professionnel), de formation et certification. Ce processus des réformes des formations du secteur social ne concerne pas seulement ce secteur, et est le résultat d’une volonté politique exprimée et partagée au sein de l’Europe depuis 1999 par les accords de Bologne, et en France par les lois sur la formation professionnelle de 2004 et de 2009. Ces lois, qui reposent sur les concepts de la formation tout au long de la vie et la sécurisation des parcours professionnels, ont profondément modifié les politiques et les pratiques de formation. Elles traduisent une volonté de renforcer l’employabilité et la mobilité des salariés tous secteurs confondus à l’échelle du territoire européen, de renforcer une flexibilité du travail et la capacité d’une adaptabilité à la fois des organisations, des activités et des acteurs professionnels face à une exigence plus forte, dans un environnement de plus en plus ouvert et concurrentiel.
Ces réformes ont eu également pour effet de produire des prises de positions fortes de groupes de professionnels qui ont participé à la définition des référentiels, afin de formuler et défendre leur point de vue et leur pensée sur leurs activités et leurs métiers, dans un environnement de travail analysé. Cette évolution marque ainsi une rupture avec une formation auparavant fortement référée à des savoirs disciplinaires, aujourd’hui fondée sur la logique de la compétence mobilisée dans l’environnement du travail.
Cette réforme a modifié la place des acteurs, conduisant notamment les professionnels et les formateurs à co-construire de manière formalisée le dispositif de formation et de certification. Les institutions participant dans le cadre de l’alternance au processus de formation, sont désormais appelées à se faire reconnaître comme des organisations “apprenantes”, d’où la généralisation de la notion de “site qualifiant” pour les désigner et définir leur rôle formatif. La mise en œuvre des référentiels a ainsi conduit à repenser les processus de formation, les pratiques pédagogiques de l’alternance et la collaboration entre organismes de formation et terrains professionnels, et à renforcer une formalisation spécifique au secteur, au regard de ce qui se faisait auparavant.
On constate cependant des pratiques hétérogènes selon les centres de formations et selon les sites qualifiants, quant à la formalisation des normes prescriptives liées aux réformes. En quoi la professionnalisation de ces différents acteurs de la formation a-t-elle ainsi du évoluer ? Quelles en sont les formes typiques et quels sont les facteurs de tension ? Cette nouvelle approche de la formation et de la professionnalisation a-t-elle permis de favoriser des pratiques pédagogiques innovantes ?
Par ailleurs, en quoi cette nouvelle ingénierie pédagogique a-t-elle produit des effets sur la socialisation professionnelle des futurs travailleurs sociaux nouvellement diplômés, c’est-à-dire sur leur culture et leur identité professionnelles ?
L’objectif du programme de recherche que nous souhaitons initier, sera ainsi de repérer et d’identifier précisément ces effets, et de les mettre en perspective avec les différentes composantes des trois référentiels.
Comment et en quoi ces référentiels impactent-ils sur la socialisation professionnelle ? Quelles appropriations, quels usages et quelles mises en œuvre sont réalisés par les différents acteurs de la formation, selon les modèles professionnalisation auxquels ils se réfèrent ? En quoi permettent-ils – ou non – un rapprochement entre travail prescrit et travail réel ? Quels savoirs, savoir-faire, savoir être échappent-ils ou sont-ils éventuellement mis en défaut par les référentiels ? Quelles tensions peut-on éventuellement observer entre les normes antécédentes et les procédures désormais mises en œuvre ? Quelles sont les articulations possibles avec d’autres référentiels professionnels de métiers de l’intervention sociale non canoniques ? Quelles concurrences entre les métiers et professions du social ?
Quels effets produisent ces référentiels ? : normalisation ? technicisation ? standardisation ?… En quoi ces effets sont-ils liés aux représentations des métiers, élaborées par les différents acteurs ? En quoi les effets produits viennent-ils « fermer » ou «ouvrir » le champ de l’intervention sociale ? En quoi par exemple, la reconstruction des formations professionnelles autour de référentiels a-t-elle éventuellement contribué à accentuer une professionnalité qui se définit avant tout sur un mode excluant et “apagogique”, c’est à dire par opposition identitaire aux secteurs pourtant de plus en plus sollicités (mais aux frontières de l’intervention sociale), tels que l’humanitaire, le militantisme, et le bénévolat ? In fine, quel impact de ces nouveaux modes de professionnalisation peut-on observer aujourd’hui sur le marché du travail ?
Programme
9h30 – 9h45 : Ouverture par Chantal GOYAU – Présidente du GRIF
9h45 – 10h30 : Intervention de Marc FOURDRIGNIER – Maître de conférences en sociologie à l’Université de Reims Champagne-Ardennes, ayant produit différents travaux sur l’impact des référentiels sur la formation.
10h30-11h00 : Discussion avec la salle
11h15 – 12h15 : Table ronde
Quels usages et quelles tensions génèrent les référentiels dans le cadre de l’alternance ?
Avec :
– un représentant des collectivités territoriales (Conseil général)
– un formateur de terrain
– un formateur école
– un représentant des étudiant(e)s
Animation par John WARD – IRTS Ile-de-France Montrouge-Neuilly-sur-Marne
Les référentiels normés sont apparus dans la formation du travail social depuis 2004, avec les diplômes d’ASS et du CAFERUIS pour les premiers. Les autres diplômes ont tous été réformés à leur tour jusqu’en 2009 selon cette même logique. S’ils s’imposent au champ de la formation, ils ne sont pas pour autant une référence imposée au champ professionnel dans les activités de travail. Les organisations sociales dessinent leurs fiches de poste à partir des missions qui leur incombent au regard des politiques sociale en vigueur, des problématiques des publics ou populations dont elles s’occupent. Certaines, et plus récemment, s’approprient de façon composite les référentiels dans un souci d’adéquation entre les profils de poste et les nouveaux embauchés depuis la réforme des diplômes. Parallèlement, les professionnels dont le statut est aussi celui de formateur de site qualifiant, et qui sont engagés dans un partenariat avec les établissements de formation, sont censés prendre en compte ces référentiels dans l’accompagnement pédagogique des stagiaires dans leur processus de socialisation professionnelle. Or, nous observons que les usages de ces référentiels par les sites qualifiants, sont inscrits dans des pratiques très hétérogènes parfois avec un repli sur d’anciens modes de « tutorat » éloignés de l’esprit du site qualifiant reposant notamment sur les expériences professionnelles et pédagogiques des formateurs sur site.
Cette table ronde visera à faire émerger les usages des référentiels dans le cadre de l’alternance, les conditions de leur mise en œuvre, les freins rencontrés, les leviers possibles, les questions que pose leur introduction dans une démarche de construction de la professionnalisation.
12h15-12h45 : Discussion avec la salle
14h00-15h00 : Table ronde
Quels effets produisent ces référentiels en termes de professionnalisation ? En quoi ces effets sont-ils liés aux représentations des métiers, élaborées par les différents acteurs ? En quoi les effets produits viennent-ils “fermer” ou “ouvrir” le champ de l’intervention sociale ?
Avec :
– un représentant de la DGCS
– un représentant du CRIF
– un représentant de la CPC
– un représentant de l’UNAFORIS
– un représentant de l’ONES
Animation par Laurent OTT – EFPP
Les référentiels professionnels s’inscrivent dans un processus de normalisation de la culture professionnelle. Ils ont pour fonction de rassembler les différents acteurs autour d’une définition de métier ou d’un groupe professionnel. Ils participent en ce sens au processus de professionnalisation dans sa dimension collective et politique. En France, la mobilisation des différents acteurs dans leur construction s’est opérée au sein de la Commission professionnelle consultative en travail social et en intervention sociale (CPC), fruit d’un compromis entre les différents protagonistes (représentants des employeurs publics et privés, des professionnels, des centres de formation). L’on pourrait dès lors penser que cette représentation collective, fait consensus quant à la définition de ce que doit être la profession et les activités et compétences qui en découlent. Cela ne va pas de soi. De nombreux articles dans la presse spécialisée professionnelle ont fait état d’incompréhensions entre ce que devraient être les professions sociales, telle qu’elles sont définies dans les textes des référentiels et la réalité vécue du terrain. Autrement dit, comment les croyances ou du moins les conceptions que les professionnels ont de leur travail viennent–elles ou non rejoindre celles décrites dans les référentiels ?
Cette table ronde se propose d’analyser les processus en jeu entre les modèles prescrits dans les référentiels, les conceptions que les différents acteurs ont des groupes professionnels en présence, les résistances ou acceptations des nouveaux schèmes d’intervention par les différents acteurs.
15h00-15h30 : Discussion avec la salle
15h30-16h30 : Table ronde
Quel impact ont ces nouveaux modes de professionnalisation sur le marché du travail et sur l’employabilité ?
Avec :
– deux représentants des employeurs
– un professionnel de terrain
– un représentant des OPCA
Animation par Marie-Pascale AMAUGER – EPSS
Les nouveaux modes de professionnalisation, introduits avec les réformes des années 2000, et pour lesquels nous disposons maintenant d’une certaine antériorité, nous amène à questionner leur impact sur la marché du travail dans le champ social. Les diplômes du travail social sont fortement institutionnalisés par la régulation de l’État. Ils sont historiquement ancrés dans une protection liée à un marché jusqu’à présent fermé.
Depuis quelques années, nous assistons à des ouvertures en termes d’offre de formation directement liée aux besoins locaux du marché du travail. En effet, parallèlement aux diplômes dits canoniques du travail social, se développent des formations à l’intervention sociale en milieu universitaire (voir Orientations pour les formations sociales 2011-2013, Ministère des Solidarités et de la Cohésion Sociale). Cette offre de formation n’est pas nouvelle en soi. Elle coïncide avec la volonté de dispenser des formations professionnalisantes au sein de l’université dans le cadre des Instituts universitaires technologiques et des licences professionnelles. De nouveaux métiers émergent et semblent offrir un panel plus large en termes d’employabilité sur le marché du travail de l’intervention sociale.
Cette table ronde aura pour objectif d’étudier les formes d’ouverture du marché de l’emploi dans le secteur social, à travers notamment l’observation de nouveaux métiers émergents et comment ceux-ci s’inscrivent ou non dans des formes de concurrence au regard des professions historiques du travail social. Seront interrogées à la fois les questions relatives à l’offre de formation, telle qu’elle existe aujourd’hui dans sa globalité (professions historiques et nouveaux métiers) dans le secteur social, mais aussi, celles de l’employabilité qui en découlent en termes d’adaptation formation/emploi.
16h30-17h00 : Discussion avec la salle
17h00 : Conclusion de la journée au nom du GOP Recherche du GRIF : Yvette MOLINA – IFSY
Date et lieu
Mardi 27 novembre 2012 de 9h30 à 17h30
IRTS Ile-de-France Montrouge Neuilly-sur-Marne
Site de Montrouge
Amphi Tom
1 rue du 11 novembre
92120 Montrouge
Inscriptions
Entrée libre sous réserve d’inscription.
Nombre de places limité.
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Photo : Marie Christine Girod – 2012