La question de la sexualité par Maud Bellec, Marine Bruneau et Mathilde Droulout
Le jeudi 10 juin 2010, une journée d’étude à l’IRTS Handicaps et sexualités : former les professionnels de l’accompagnement a été proposée aux acteurs du secteur médico-social (professionnels et étudiants). La question de la sexualité chez les personnes en situation de handicap est depuis quelques années un thème régulièrement abordé car il met souvent les professionnels en difficulté dans l’accompagnement. Cette rencontre était à l’initiative de l’IRTS et d’I=MC2. En tant qu’étudiantes en formation d’éducatrice spécialisée, nous avons eu la possibilité de participer à cette journée. Celle-ci s’est déroulée sur plusieurs temps partagés entre professionnels et usagers, valides ou en situation de handicap (IMC).
Il y a d’abord eu des tables rondes, puis plusieurs personnes se sont exprimées sur le thème général de la sexualité et de ses représentations dans la société : psychologique, sociologique, juridique…
La première particularité de cette rencontre fut la présence, dans les tables rondes et dans le public, de personnes présentant un handicap. Chacune a pu s’exprimer sur le sujet de la sexualité, en tant que personnes en situation de handicap souhaitant apporter leurs témoignages. Le débat s’est appuyé sur des témoignages personnels ou professionnels. Il ne s’agissait pas de voyeurisme, personne n’a décrit ses ébats ou ses désirs. Il a été fait état des difficultés rencontrées dans leurs relations sentimentales et sexuelles. Ce qui nous a le plus marquées dans ces témoignages est l’apostrophe d’une des participantes qui s’est posée en ces termes : pourquoi une personne handicapée doit-elle d’abord justifier le désir d’avoir une vie sentimentale auprès de tous les professionnels de l’institution où elle réside ? Ou encore celle d’une aide médico-psychologique qui exprimait la nécessité de protéger les personnes vulnérables.
Nous n’avions jusque-là pas réellement réfléchi à la violence que pouvait représenter le manque d’intimité et à quel point la sexualité peut être taboue dans certaines institutions pour les usagers et pour les professionnels.
La parole est en premier lieu donnée aux témoins de cette problématique. Cela a permis d’articuler toutes les interventions en fonction de ce qui avait put être mis en évidence. Le déroulement prévu pour la seconde partie de la journée s’est vu quelque peu sacrifié en raison de l’ouverture sur des débats basés sur ces témoignages.
De ce lieu de rencontre et d’échange, nous avons pu suivre et comprendre les différents questionnements qu’il peut y avoir au sujet de la sexualité. Les questions se posent tant du côté des usagers que des professionnels. A travers ces témoignages, plusieurs manques sont à déplorer. Il semblerait que l’accès à l’information et à l’éducation à la sexualité soit de façon générale difficile mais plus encore auprès des personnes handicapées. Le tabou ne tient pas qu’aux représentations que l’on a de la sexualité, il s’étend aussi à l’aspect pratique. Nous avons d’ailleurs pu remarquer des avis partagés concernant la fonction et la formation de l’assistant sexuel.
Ce qui semble difficile pour les professionnels est d’allier à la fois leurs propres représentations, les réponses inadéquates des institutions, les demandes légitimes des usagers et le désir des professionnels de protéger ce public dit “vulnérable”. Nous avons constaté que cette journée avait eu des échos dans notre promotion malgré le nombre restreint d’étudiants y assistant. Ces échos portaient sur le rôle, la place, ou encore la fonction de l’assistant sexuel. Cette interrogation massive nous a semblé étonnante car malgré l’intervention de l’assistant sexuel dans la journée, ce n’était ni le fond ni l’essentiel du questionnement. Malgré tout on peut penser que le sujet de la sexualité n’a pas fini d’interroger. En tant que futurs professionnels, il est important que nous travaillions sur nos représentations et les réponses que nous serons amenées à donner aux usagers une fois éducateurs.
Avec un peu de recul, nous réalisons à quel point cette journée nous a permis d’ouvrir notre réflexion à l’une des problématiques essentielles de notre formation. Elle a d’abord été un lieu de rencontre, en premier lieu avec des personnes infirmes motrices cérébrales. Puis la rencontre avec de nombreux professionnels d’horizons très différents tant par leur métier, leur secteur d’activité, leur pays mais aussi le discours qu’ils peuvent avoir dans leur pratique au quotidien avec des usagers.
Nous sommes trois à écrire et nous avons sûrement toutes perçues des choses différentes, que ce soit sur notre positionnement professionnel futur, nos propres représentations du handicap, de la sexualité et plus encore de la sexualité des personnes en situation de handicap. Cette journée nous a permis d’appréhender nos points de vue sous un autre angle. Bien plus qu’une simple conférence, cette journée a été pour nous une formation réelle puisqu’assez ouverte et structurée pour nous permettre de glaner beaucoup d’informations et nous donner des clefs de réflexion plutôt que des réponses. Elle a pu confirmer l’utilité de son intitulé original à savoir former les professionnels de l’accompagnement.
Photo : Anne Bernard – Le public – Site de Montrouge – Juin 2010