Hommage à Paul Fustier
Paul Fustier est décédé le 3 mars 2016.
Le vendredi 25 mars 2016 à 12h30, étudiants et équipe pédagogique se sont retrouvés à l’Espace Perret de l’IRTS – Site de Montrouge pour lui rendre hommage.
Pour l’éducation spécialisée mais bien au-delà, Paul Fustier a été et continuera à être un passeur. Ses nombreux écrits éclairent et aident à réfléchir la pratique éducative, le lien d’accompagnement, le travail d’équipe.
Un moment pour se rappeler qui était Paul Fustier… un moment pour lire des textes… un moment de transmission.
Intervention – Catherine Boulenger, responsable des formations ASS, EJE & ES – IRTS
On ne pouvait manquer de lui rendre hommage dans un centre de formation en travail social, tant nous savons que ses engagements et ses écrits ont accompagné et accompagnent toujours de nombreux étudiants, des formateurs et des professionnels du travail social, plus particulièrement les éducateurs spécialisés.
Professeur de Psychologie à l’Université à Lyon, Paul Fustier s’est beaucoup investi dans l’accompagnement des équipes de professionnels, dans les institutions éducatives ou sociales mais aussi dans les institutions psychiatriques ou plus largement médicales.
Pour lui, la relation et la qualité de celle-ci est l’outil premier des professionnels pour accompagner les personnes, pour éduquer les enfants et les adolescents confiés à des éducateurs.
C’est dans un de ses ouvrages les plus connus, Les corridors du quotidien qu’il va développer cette notion essentielle qu’il appellera la clinique du quotidien.
D’autres ouvrages font également référence dans le champ de l’éducation spécialisée : L’identité de l’éducateur spécialisé qu’il actualisera en 2009, Le travail en institution et peut-être le plus riche d’enseignement, Le lien d’accompagnement qui loin d’être un livre de recettes, nous amène à nous interroger inlassablement sur ce que je suis pour cet enfant, pour cette personne en difficulté mais aussi sur qui est cet enfant, cette personne en difficulté, pour moi.
Paul Fustier nous invite à cultiver cette tension entre la distance nécessaire et l’engagement dans la relation éducative ou de soin.
Accompagner au quotidien, c’est accompagner l’énigme d’autrui disait-il ou encore Le terrain de l’éducateur spécialisé est un terrain vague.
Terrain vague où sous une apparente banalité, la vie quotidienne, se jouent des relations complexes entre un éducateur et un enfant, par exemple, relations indispensables pour lui permettre de se construire malgré les problèmes rencontrés.
Auprès des professionnels de terrain, il ne perdait pas de vue qu’il était psychologue. Il insistait pour affirmer que la défense des métiers en général, du métier d’éducateur spécialisé en particulier, passe d’abord par les professionnels qui exercent ces métiers. De même, il insistait pour qu’ils écrivent eux-mêmes sur leur pratique.
C’est ainsi qu’il a publié avec Jean Catry, éducateur spécialisé bien connu pour ses écrits, un livre intitulé L’éducateur et le psychologue – lettres ouvertes sur la clinique où ils dialoguent tous les deux sur leur pratique respective et leur approche de la clinique.
Jusqu’à la fin de sa vie, malgré son âge et ses problèmes de santé, il a été inlassablement un compagnon de route dans l’action – son soutien actif à “Avenir Éducs” – et dans la réflexion en poursuivant le travail d’écriture qu’il avait engagé dès les années 70.
Intervention – Gabrielle Garrigue, formatrice IRTS, Avenir Éducs [[Avenir Éducs – publié le 3 mars 2016 – site Internet : avenireducs.com]]
C’est avec beaucoup d’émotion que nous avons appris le décès de Monsieur Paul Fustier, qui nous a tant soutenus et qui a participé à la fondation d’“Avenir Éducs”. Nous souhaitons saluer le grand homme qu’il était et le remercier pour tout ce qu’il nous laisse.
Merci pour tout Monsieur Paul Fustier !
Le 26 mars 2014, dans le petit amphithéâtre en bois rouge de l’Institut de Géographie, nous étions 86, rassemblés pour l’avenir du travail social. Ce soir-là Paul Fustier était parmi nous. Il avait suffi de l’appeler pour qu’il réponde à la confiance que nous mettions en lui. Il avait fait l’aller-retour depuis Lyon, malgré sa santé fragile, pour nous donner son soutien, son éclairage, sa grande simplicité, et nous rappeler l’essentiel de nos métiers : la clinique du quotidien.
Il s’était assis parmi nous en anonyme. Puis plébiscité – par des éducateurs qui se sont tant appuyés sur ses réflexions, par des formateurs et des étudiants émus de faire connaissance avec celui qui dit si justement les ressentis complexes des éducateurs, ce qu’ils devront mettre au travail encore et encore – il a accepté de venir à la tribune.
Nous étions fiers qu’il y soit.
Et c’est ce soir-là qu’est né “Avenir Éducs”.
Nous avions besoin de son aide, lui qui a su dire ces zones frontières de la relation éducative, définir cette pratique en ricochet si particulière aux éducs, lui qui nous invite à penser l’institution transitionnelle ou encore lui qui a trouvé les mots qui nous manquaient : les réponses matelas – que font parfois les éducs quand ils ne savent pas quoi dire – ou encore les diagnostics poubelle. Lui encore, qui en écrivant d’où tu causes nous conte l’histoire de l’éducation spécialisée et nous alerte sur les mythes qui la sous-tendent d’hier à l’entrée dans la modernité.
C’est avec son soutien que nous avons continué et ses messages d’encouragements réguliers.
Il nous a lancé le défi d’organiser une journée entière de rassemblement un samedi permettant à tous de venir de loin. Journée ” Debout pour nos métiers” qui s’est concrétisée le 22 novembre 2014 en rassemblant 600 personnes à Censier. Récemment encore, il nous a témoigné son enthousiasme à signer une lettre écrite par le collectif “Défendre les Métiers Sociaux” que nous lui avions fait suivre en juin 2015. Bien entendu, tout à fait d’accord !
Tous ensembles, nous lui disons un grand merci, et nous saluons le chercheur du quotidien qu’il était.
Plus que jamais, nous défendrons ce qu’il a tant porté : la clinique du quotidien et le travail d’équipe en institution !
Texte lu – Bruno Kayser, formateur – IRTS
L’expérience me semble avoir montré que des moments importants pour l’enfant ont pu paradoxalement trouver leur place justement parce que l’éducatrice était présente à autre chose, principalement à la tâche matérielle qu’il lui fallait effectuer. Pénétrant par le travers dans une tâche qui ne le concernant pas directement, l’enfant pouvait, par le va-et-vient, éprouver sa liberté, essayer sa maîtrise, et ne pas se trouver capté ou aliéné dans une « relation privilégiée », puisque l’éducatrice était occupée à autre chose. Ainsi la disponibilité très limitée de celle-ci permettait à l’enfant de s’essayer à devenir sujet.
Bien sûr ces effets ricochets ne pourront se produire que s’il existe une ouverture suffisante, permettant à l’enfant d’intervenir dans ce qui est en train de se passer ; cela veut dire que, même s’il est “objectivement” peu disponible, l’adulte ne doit pas clôturer son travail, il doit laisser libre des “entrées” pour l’enfant. Et ce n’est pas si simple ; on conçoit bien que si l’enfant fait violence aux affects de l’adulte, s’il le menace dans son intégrité personnelle, alors une des défenses les plus immédiatement disponibles consistera à s’enfermer dans la tâche matérielle, à s’y laisser prendre dans une pratique frénétique, faisant repoussoir, en se clôturant sur elle-même. C’est à un “va jouer ailleurs” ou à un “va voir ailleurs si j’y suis” que se heurte l’enfant qui tenterait de pénétrer ce qui est devenu territoire réservé pour un adulte préservant son intégrité en s’entourant de frontières infranchissables.
Fustier Paul, Repères pour des pratiques professionnelles, Dunod, 2013
Texte lu – Marc Prudhomme, formateur – IRTS
Offrir une tisane aux patients d’un service psychiatrique
A l’intérieur d’un service psychiatrique intégré à un hôpital général, l’équipe soignante s’interroge longuement pour savoir comment les infirmiers doivent répondre à une demande de certains patients qui voudraient, le soir, que leur soit offerte une tisane. Question apparemment dérisoire et qui pourtant prend une ampleur métaphorique ; la discussion qui s’en suit est intéressante pour notre propos dans la mesure où elle permet bien de comprendre comment peut se poser la question de la professionnalité.
Fustier Paul, Le lien d’accompagnement – Entre don et contrat salarial, Dunod, 2015
Les plus
Le centre de resoources documentaires a parallèlement mis en évidence ouvrages et écrits de Paul Fustier.
Photos – ©Catherine Boulenger – IRTS 2016