Ségolène Neuville rencontre les étudiants de l’IRTS

C’est au lendemain des attentats et dans le cadre de la lutte engagée par l’Etat contre le terrorisme, que les membres du gouvernement proposent de venir à la rencontre des différents acteurs.
A l’IRTS, ce sont les étudiants délégués de leur promotion [[Guillaume Agbobli, Alice Aubert, Coumba Ba, Safya Baly, Nadine Barata, Mathilde Biteau, Sandy Caze, Tiffany Danna, Harmony Delaunay, Rémy Divoux, Elodie Fagnen-Hugolin, Meggan Guilbert, Loïc Hellebois, Stéphanie Martinez, Inès Maoungou, Marie Mayag, Matida Niassy, Lucile Oisel, Elisabeth Prince, Mathilde Quillerou.]]
– assistant de service social, conseiller en économie sociale familiale, éducateur de jeunes enfants, éducateur spécialisé et moniteur-éducateur – qui vont échanger avec Ségolène Neuville. Ils ont préalablement engagé un travail de réflexion dans chaque promotion.
Plus concrètement, Ségolène Neuville a confié à Michel Thierry, vice président du Conseil interministériel du travail social – CSTS –, la mission de faire des propositions pour apporter des outils aux travailleurs sociaux leur permettant de pouvoir prendre en compte de façon efficace et raisonnée les situations liées aux risques de radicalisation avec un regard particulier envers les jeunes femmes.
Dans quelques semaines le rapport sera rendu, néanmoins Il est important que nous, les élus de la République – et ça n’est pas tous les jours qu’il y en a autant autour d’une table à l’IRTS – on puisse savoir ce que vous pensez.
3 questions en débat
Les échanges commencent dans le hall, de manière informelle avec Hugues Dublineau, Président de la Fondation ITSRS, Yvan Grimaldi, directeur du site de Montrouge et les formateurs associés à la rencontre avec les étudiants [[L’équipe de formation de l’IRTS – Louisette Badie, Abdelatif Belbouche, Brigitte Berrat, Catherine Boulenger, Katy Compagnon, Céline Coulon, Gabrielle Garrigue, Monique Hourcade, Christian Jodeau, Stéphanie Le Goff, Luis Morales, Marc Prudhomme, Isabelle Tiret.]].
Ségolène Neuville précise que c’est avant tout les étudiants qu’elle souhaite rencontrer. Je suis venue pour que vous me parliez de votre ressenti sur ce qui s’est passé, mais aussi comment vous envisagez votre métier. On ne choisit pas de devenir travailleur social par hasard, mais par conviction, par militantisme.
Le travail social a en partie pour objectif l’accès aux droits, mais l’objectif ultime c’est l’émancipation des personnes, pour vivre librement, à égalité. C’est ce qui fait la France.
C’est la question de la cohésion de sociale qui est en jeu, et Ségolène Neuville pose 3 questions :
– comment prévenir, détecter, empêcher les dérives sectaires, notamment avec les jeunes. Comment faire avec la question de la laïcité ?
– qu’est-ce que vous attendez de la formation sur la laïcité, les dérives sectaires ? La question s’adressera aussi aux formateurs.
– qu’est-ce que vous attendez des institutions du gouvernement ?
Une expertise ancrée dans les stages
Très vite, les étudiants prennent la parole. Ils vont essentiellement apporter leur expertise à partir de situation de stage. Ils relatent que les questions de radicalisation sont très délicates, porteuses d’inquiétudes aussi… qu’ils ne sont pas forcément démunis, bien que la connaissance des relais, des religions et des courants islamiques, sensibiliser les jeunes aux mécanismes d’endoctrinement… leur paraît souhaitable.
Une tension existe néanmoins entre l’alerte et la délation. On est en première ligne. Qui sommes-nous pour intervenir ? Alerter qui ? et comment ? Julie Sommaruga, députée de la 11e circonscription, met en avant les partenariats pour diminuer cette tension : structures de soins, commissariats…
Lorsque les jeunes sont en rupture, pour faire simple, avec ce qu’on appelle “le système”… lorsque le principe d’égalité ne se vit pas de la même manière pour tout le monde… Prendre appui sur les valeurs de la République – Liberté Egalité Fraternité – en tant que règles permettant la cohésion sociale, paraît plus complexe.
Enfin la légitimité des travailleurs sociaux se situant maintenant entre le social et l’intime. On retrouve le débat autour de l’équilibre entre “la relation d’aide, la valorisation de l’estime de soi, le fait d’être au service de la personne” et “être au service de la cohésion sociale, voire de la République”.
La laïcité et les contenus de formation
La précipitation suite aux événements récents n’est pas la meilleure posture à avoir, il faut le temps de réfléchir sur les contenus de formation, notamment pour y introduire la laïcité. Les formateurs y réfléchissent, probablement sous la forme d’un colloque.
Pour accompagner les jeunes, prévenir les radicalisations, contenir des effets sociaux aux formes extrêmes, la formation des travailleurs sociaux repose sur une compréhension du contexte général, au travers de la sociologie, la psychologie… qui apportent des références fortes dans la singularité des rencontres avec les jeunes et adultes accompagnés.
Les formateurs participent largement aux échanges, tout en laissant la place aux étudiants.
A la question lancée par Ségolène Neuville Ne faut-il donc rien changer à la formation ? Un étudiant répondra qu’on ne peut pas être formés à tout.
De la laïcité aux réformes en cours et à venir
Tout au long des échanges, d’autres éléments de discussion seront abordés. Les moyens pour les acteurs de proximité qui diminuent, le besoin d’un idéal politique qui place la jeunesse dans l’espace politique, la remise en question des stages, les difficultés des étudiants suite à la gratification…
Ségolène Neuville et Julie Sommaruga apportent un complément d’information sur les politiques sociales – la création de place en crèche, le plan pauvreté, la garantie jeune, la prime d’activité éligible aux jeunes… et qu’il est hors de question de supprimer les stages.
Une rencontre intéressante, initialement prévue pour 1 heure, et qui a duré presque 2 heures, avec prolongations informelles…
Les recommandations du Conseil supérieur du travail social
Le 18 décembre 2015, Michel Thierry remettait à Ségolène Neuville le document intitulé La laïcité, un principe fondamental du travail social adopté par l’assemblée plénière du 9 décembre 2015 du Conseil supérieur du travail social. Il commence par un avertissement et donne 5 recommandations.
L’avertissement.
Cet avis expose en quoi les fondamentaux de la laïcité s’appliquent dans votre pratique du travail social.
Préparé de longue date, il vise à fournir des données claires et des conseils pour une appropriation de ce thème. Il ne traite pas de situations particulières ni du processus de radicalisation mais donne des pistes concrètes pour se positionner et des références pour approfondir.
Les 5 recommandations.
– le travailleur social accepte les différences et reconnaît la diversité des croyances et opinions
– le travailleur social adopte un positionnement impartial
– le praticien du travail social s’appuie sur des réflexions éthiques et des références déontologiques
– le travailleur social prend position pour permettre le “vivre-ensemble”
– le travailleur social est vigilant face aux outils de communication qui diffusent des opinions et des croyances
Lire les recommandations du Conseil supérieur du travail social
Photos – ©Marie Christine Girod – IRTS 2015