Travail social et philosophie : une rencontre impossible ?
En équipe, faut-il partager les mêmes valeurs que ses collègues ?
Qu’est-ce qu’être soi-même et qu’est-ce que le regard des autres vient changer dans mon identité ?
Prévenir, protéger accompagner, signaler : quelles sont les limites à mon action, quelle est ma légitimité pour agir ?
Dans le travail social, la question de l’argent est-elle tabou ?
Pourquoi parle-t-on d’usager et pas de personne ?
Qu’est-ce ça veut dire “aider” dans “relation d’aide” ?
Et l’intimité de l’usager, comment la respecte-t-on ?
Voici quelques questions d’étudiants de 1re année, futurs travailleurs sociaux. Des questions cruciales qui sollicitent l’esprit critique et invitent à une réflexion ouverte sur la signification des mots, sur les limites de l’agir, sur le sens de la responsabilité, sur la rencontre avec l’autre… Car, “on ne devient pas travailleur social pour s’endormir sur des certitudes”, encore moins pour consolider un système.
Intervenir dans le social, c’est agir, mais c’est aussi penser, être responsable, s’interroger sur soi et sur l’autre, sur l’idée d’engagement. C’est trouver les mots justes pour dire les choses… qui sont parfois injustes !
En 1re année, les étudiants sont très impliqués et en recherche de concepts qui les aideront à donner une forme à leur expérience et un sens à leur pratique. Leur capacité à s’étonner des situations sociales ou personnelles des usagers, à mettre en cause les routines, à repenser le vocabulaire professionnel et les postures des acteurs, à réfléchir à la place qu’ils souhaitent occuper dans les institutions, est une vraie richesse.
Paradoxalement, ces interrogations autour du métier peuvent conduire à rencontrer la démarche philosophique, à lire des auteurs, à critiquer des textes, tout en partageant ce savoir en construction, avec d’autres.
C’est pour exploiter cette richesse native et cet étonnement renouvelé qu’un cycle Travail social et philosophie existe depuis plusieurs années à l’IRTS – sites de Montrouge & de Neuilly-sur Marne. Il est aujourd’hui proposé aux étudiants assistant de service social. Pas question de dispenser des cours de “philo” traditionnels ni de transmettre des connaissances toutes faites à des étudiants dont ce n’est pas ou plus la préoccupation. Mais plutôt d’ouvrir un espace de réflexion autour de l’expérience singulière de chacun afin de laisser émerger des thèmes récurrents et des concepts utiles : la temporalité, le langage dans les rapports humains, l’altérité, la place de la vérité entre objectivité et subjectivité, la notion de crise, la technologie, l’évolution du lien social…
Autant de questionnements qui développent le sens critique et renforcent la dimension éthique, essence du travail social.
Décembre 2016.
Photo – ©Christian Jodeau – IRTS 2017